Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Tryptophane[1]

Indispensable à l'organisme, le tryptophane n'est fourni que par l'alimentation. Le corps n’est pas capable de produire lui-même cet acide aminé essentiel (AAE). Le tryptophane  régule le sommeil, l'humeur ou encore le sentiment de satiété. Le tryptophane (L-tryptophane) est un acide aminé qui joue un rôle essentiel, puisqu’il permet de faire la synthèse des protéines.

Le tryptophane (abréviations IUPAC-IUBMB : Trp et W) est un acide α-aminé dont l’énantiomère L est l’un des 22 acides aminés protéinogènes, et l’un des 9 acides aminés essentiels pour l’humain. Il est encodé sur les ARN messagers par le codon UGG.

Propriétés

Il est aromatique, apolaire et hydrophobe (comme la phénylalanine). Très fragile, il est détruit par les acides minéraux, et ne peut être isolé dans les hydrolysats acides des protéines. C’est un acide aminé contenant un hétérocycle indole qui lui confère des propriétés spectroscopiques d’absorption et de fluorescence dans l’UV. En dehors de son utilisation dans la biosynthèse des protéines, c’est le précurseur d’autres composés importants comme la sérotonine, la mélatonine, ou encore la bufoténine.

Biosynthèse et production

Seuls les micro-organismes et les plantes sont capables de synthétiser le tryptophane. Cette voie de biosynthèse utilise le chorismate ou l’anthranilate comme point de départ. Celui-ci est condensé sur du phosphoribosyl pyrophosphate (PRPP). Le cycle furanose de ce dernier est ensuite ouvert. Après décarboxylation réductive, il se forme de l'indole-3-glycérol-phosphate. Ce dernier est alors transformé en deux étapes : d'abord en indole, puis en tryptophane par la tryptophane synthase. Cette enzyme sert également dans le cadre de procédés industriels pour la biotransformation de l’indole en tryptophane.

Occurrence chez l’humain

Dans l’organisme humain, le tryptophane est indispensable et représente environ 1 % des acides aminés présents dans les protéines (le plus rare des 20 acides aminés). Il est cependant requis pour la synthèse de la sérotonine et de la mélatonine, ainsi que pour la production d'une variété de métabolites appelés collectivement les kynurénines. La mélatonine est sécrétée naturellement pendant la nuit par la glande pinéale, également appelée épiphyse. Elle ne peut être produite que lorsqu'il fait sombre : la présence de lumière inhibe ce processus. La mélatonine a un rôle phare, puisqu'elle favorise l'endormissement. Mais c'est loin d'être sa seule fonction ! Cette hormone a aussi des effets sur l'humeur, le système immunitaire ou encore la régulation de la température corporelle.

La production de la sérotonine dans le cerveau varie directement en fonction du transport du tryptophane dans le cerveau (au travers de la barrière hémato-encéphalique). Le taux de transport est lui-même inversement proportionnel aux concentrations des autres grands acides aminés neutres (leucine, isoleucine, valine, tyrosine, phénylalanine) qui lui font compétition à l'entrée du cerveau. Les concentrations de ces derniers, enfin, varient en fonction de la proportion en glucides et en protéines consommées. C'est ainsi que la consommation de sucre ou de repas sucrés aura pour effet d'augmenter indirectement les concentrations de tryptophane dans le cerveau, tandis qu'un aliment très protéiné (qui, paradoxalement, contient plus de tous les acides aminés, y compris le tryptophane), aura pour effet de diminuer les concentrations cérébrales de tryptophane et, probablement, de sérotonine.

Certains constituants alimentaires facilitent à notre organisme la synthèse de sérotonine, neuromédiateur qui régule notre humeur, notre comportement alimentaire et nous prépare au sommeil. Certaines situations physiologiques comme un régime hypocalorique par exemple, peuvent entraîner une baisse de sécrétion de la sérotonine, souvent responsable de stress, de fatigue psychique, de troubles du sommeil. La sérotonine a pour rôle de transmettre l’influx nerveux entre les neurones et participe ainsi à la régulation de nombreuses fonctions de l’organisme : elle entre en jeu notamment dans la tolérance à la douleur. Une carence en sérotonine peut aussi être à l’origine de troubles du comportement alimentaires, d’anxiété, voire de dépression. Dans une étude menée par l’université de Washington[2] (États-Unis) et publiée en 2002, des chercheurs s'étaient justement intéressés au lien entre dépression et sérotonine. Ils avaient constaté qu'un faible taux de sérotonine dans l'organisme constituait une cause importante de troubles de l'humeur. Certains aliments sont riches en tryptophane : œufs, noix de coco, lactosérum ; d'autres en sont pauvres : maïs, carottes, chou.

C’est pour toutes ces raisons que de bons apports en tryptophane sont indispensables. Dans un avis rendu le 8 septembre 2008 portant sur un projet d’arrêté relatif à l’emploi de substances à but nutritionnel ou physiologique pouvant être employées dans la fabrication de compléments alimentaires (saisine 2007-SA-0231), l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) retenait la dose de 220 mg.j-1 (dose journalière de 220 mg), dose limite d’apport de tryptophane dans les compléments alimentaires, sauf pour les personnes suivant un traitement anti-dépresseur pour lesquelles il est fortement déconseillé d’en consommer. L’Afssa estime que les besoins en tryptophane s’élèvent à 4 mg.kg-1.j-1 (4mg par kg par jour), soit environ 200 mg.j-1 (200mg par jour) (AFSSA, 2008), même si ces besoins varient d’une personne à une autre, notamment en fonction de l’âge.

Données métaboliques

Le tryptophane est un acide aminé protéinogène indispensable. Son métabolisme est complexe et comprend de nombreuses ramifications.

Le tryptophane est absorbé le long du tractus intestinal et peut également franchir la barrière hémato-encéphalique (Hawkins et al., 2006).

Outre son rôle protéinogène, le tryptophane est utilisé dans deux voies métaboliques :

- la voie prédominante est l’oxydation du tryptophane conduisant à la cynurénine et à la synthèse de niacine. On estime que plus de 95 % du tryptophane alimentaire sont utilisés au travers de cette voie, qui permet de couvrir les 2/3 du besoin net en niacine. Plusieurs intermédiaires importants sont produits dans cette voie métabolique. L’acide cynurénique est un antagoniste des récepteurs de glutamate et possède de ce fait des propriétés neuroprotectrices. Un autre métabolite, l’acide picolinique, a également une activité neuroprotectrice. À l’inverse, l’acide quinolinique, produit également par cette voie, est un agoniste de certains récepteurs au glutamate et est reconnu comme neurotoxique. Son implication a été suggérée dans les encéphalites d’origine infectieuse ainsi que dans les démences associées au SIDA (Smith et al., 2007, Stone,2001, Stone et al., 2003) ;

Le tryptophane est également un précurseur de la sérotonine (5-hydroxytryptamine), un neurotransmetteur aussi connu sous le nom d’« hormone du bonheur ». C'est à partir de la sérotonine qu’est produite la mélatonine (N-acétyl-5-méthoxytryptamine), une neurohormone surnommée « hormone du sommeil ».

- dans le cerveau, l’autre voie métabolique implique une première réaction d’hydroxylation catalysée par la tryptophane hydroxylase, conduisant à la formation de 5-hydroxytryptophane (5-HTP). Le 5-HTP est métabolisé en sérotonine qui, elle-même, peut être métabolisée en mélatonine. La mélatonine est une neurohormone impliquée notamment dans la régulation des rythmes biologiques. On estime à environ 1 % la part du tryptophane alimentaire utilisée pour la synthèse de sérotonine (Takikawa, 2005).

Les différentes ramifications du métabolisme du tryptophane sont influencées par le statut en nutriment, l’état physiologique, l’environnement hormonal et le polymorphisme génétique. Ainsi, la voie des cynurénines est connue comme étant très sensible au statut en vitamine B6, si bien que l’excrétion urinaire d’acide xanthurénique est un marqueur du statut en vitamine B6. Le métabolisme du tryptophane est également lié au statut en vitamine B2 et B3 (Horwittet al., 1981). Le contexte inflammatoire (Smith et al., 2007, Stone, 2001, Stone et al., 2003) ainsi que le statut œstrogénique modifient également le métabolisme du tryptophane (Epperson et al., 2007, Amin et al., 2006). Il existe en outre un fort polymorphisme génétique sur des voies importantes du catabolisme du tryptophane, en particulier sur la voie des cynurénines (Oxenkrug, 2007, Raitala et al., 2005), ce qui laisse présager d’une grande variété des réponses métaboliques et physiologiques à un apport supra-nutritionnel en tryptophane. Il existe également de fortes interactions avec des médicaments (antidépresseurs) agissant sur le métabolisme du tryptophane et de la sérotonine qui sont décrites plus loin.

Dans le cerveau, le tryptophane est hydroxylé par une enzyme, la tryptophane hydroxylase et transformé en 5-hydroxytryptophane. Ce 5-HTP est décarboxylé (en présence de vitamine B6) pour donner la sérotonine. Des suppléments de tryptophane et de son métabolite, le 5-hydroxytryptophane ou 5-HTP, favorisent la sécrétion de sérotonine. Plusieurs études ont établi leur intérêt dans le traitement de la dépression.

Données de sécurité

Données chez l’animal.

Différentes études sont citées dans un ouvrage (Herbst, 1994). 11 études de toxicité aiguë chez le rat, la souris et le lapin sont présentées. Citons également une étude de toxicité subchronique chez le rat ayant consommé 200 mg.kg-1.j-1 pendant 60 jours, sans que les auteurs n’aient observé d’effet sur le gain de poids, le comportement de l’animal ou la structure hépatique. Une étude de toxicité chronique chez le rat ayant consommé 500 mg.kg-1.j-1 pendant 7 générations est présentée. Les auteurs n’ont relevé aucun effet délétère sur la croissance, les paramètres sanguins ainsi que la structure et le poids des organes. Enfin, une étude réalisée chez le rat et la souris consommant 2,5 ou 5% de tryptophane (ce qui équivaut respectivement à 1,25 et 2,5 g.kg-1.j-1 chez le rat et 3,57 et 7,15 g.kg-1.j-1 chez la souris) pendant 78 semaines est rapportée (National Cancer Institute, 1978). Mise à part une réduction du gain de poids chez les animaux recevant le plus forte dose, les auteurs n’ont pas observé d’effet délétère, en particulier, pas de modification carcinogénique des organes, ni de durée de vie des animaux. Ces données semblent avoir été partiellement confirmées chez le rat recevant environ 1 g.kg-1.j-1 de tryptophane pendant 2 ans, sans que des tumeurs, en particulier de la vésicule biliaire, n’aient été induites. Les études chez l’animal identifient différents effets délétères, sans que les données soient suffisantes, en terme d’effet dose, pour les caractériser.

Il a été montré chez des rats consommant un régime à 20 % de caséine, pendant une durée allant jusqu’à 12 semaines, qu’une supplémentation de 5% (ce qui équivaut à environ 2,5 g.kg-1.j-1) de tryptophane entraîne un ralentissement de la croissance. Cet effet s’accompagne d’atteintes tissulaires avec une infiltration de cellules inflammatoires dans les poumons, la rate et les muscles (Gross et al., 1999). Cette étude permet de relier la toxicité du tryptophane avec son entrée vers la voie des cynurénines. Une seconde étude montre, chez le rat, une élévation de la peroxydation lipidique dans le muscle après 3 semaines de consommation d’un régime enrichi en tryptophane à hauteur de 1% (ce qui équivaut à environ 0,5 g.kg-1.j-1) (Ronen et al., 1999). Enfin, la revue de Sidransky soulève des suspicions d’une action cancérogène (hépatique) du tryptophane, qui n’ont pas été levées (Sidransky, 1997).

Données chez l’Homme.

Des études chez l’Homme n’ont pas rapporté d’effet secondaire indésirable suite à l’ingestion de tryptophane pour écarter le risque d’un emploi quotidien de 1 à 4 g, même sur une longue période de consommation. Les études portant sur les conséquences d’une supplémentation en tryptophane à des doses comprises entre 0,5 et 3 g.j-1 sur le sommeil, la douleur, la fatigue, le comportement ou l’humeur sont nombreuses et aucune de ces études ne rapporte d’effet secondaire indésirable (Ekblom et al., 1991, Etzel et al., 1991, George et al., 1989, Segura and Ventura, 1988, Stockstill et al., 1989, Hudson et al., 2005, Markus et al., 2008, Moskowitz et al., 2001, Murphy et al., 2006, Thorleifsdottir et al., 1989). Cependant ces études n’étaient pas conçues pour étudier les effets secondaires, mais uniquement les effets principaux. Les variables pouvant déceler des éventuels effets indésirables (notamment les paramètres biochimiques et hématologiques) n’étaient ainsi pas étudiées. Enfin, la plupart de ces études ont été menées à court terme (moins de 3 semaines) et avec des effectifs réduits (en moyenne une vingtaine de sujets, sauf dans une étude avec 98 sujets).

Lorsque le tryptophane est administré à la dose supraphysiologique de 6 g.j-1, des effets délétères sont rapportés : il s’agit le plus souvent de somnolences, maux de tête, nausées, tachychardie, hypersensibilité musculaire et éruptions cutanées. Ces effets délétères sont peu fréquents et souvent d’intensité modérée (L-Tryptophan Monograph, 2006).L’Afssa souligne que des effets indésirables (nausées et maux de tête) ont également été rapportés à la dose de 5 g.j-1(Greenwoodet al., 1975) et que la notice du médicament Optimax®, vendu au Royaume-Uni, dont le principe actif est le tryptophane et la posologie recommandée de 3 g.j-1, rapporte des risques de somnolence, nausées et céphalées. De plus, elle met en garde contre l’utilisation conjointe de tryptophane et d’inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) (en raison de la potentialisation des effets secondaires des IMAO), de tryptophane et d’inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (en raison du risque de syndrome sérotoninergique) et de tryptophane et de benzodiazépines ou de phénothiazines (en raison du risque de désinhibition sexuelle).

Les effets indésirables chez l’Homme pourraient être liés au fait établi que la supplémentation en tryptophane (6 g) chez l’Homme induit un effet pro-oxydant (Forrestet al., 2004). Dans cette étude, les auteurs rapportent l’augmentation de la peroxydation lipidique en relation avec l’augmentation des métabolites de la voie des cynurénines.

Comme évoqué dans l’avis de l’Afssa du 8 septembre 2008, le rôle du tryptophane dans le syndrome myalgique éosinophilique (SME) peut être écarté, alors qu’il n’en est pas de même dans le syndrome sérotoninergique. Ce dernier a été évoqué chez des patients prenant des compléments alimentaires contenant du tryptophane et traités par certains antidépresseurs (Martin, 1996, Steiner and Fontaine, 1986, Young, 1991). Ce syndrome se caractérise par l’apparition subite des signes suivants: confusion, hypomanie, agitation, myoclonies, hyperréflexie, sueurs, frissons, fièvre, tremblement, diarrhée, incoordination.

Habituellement de forme mineure, il peut menacer le pronostic vital dans ses formes sévères avec fièvre supérieure à 40°C, état de choc, coma et rhabdomyolyse (Mégabarne and Delahaye, 2003). Le nombre de cas rapportés impliquant le tryptophane est cependant faible – moins d’une quarantaine – et les formes mineures. Les notices de médicaments antidépresseurs très courants tels que l’Effexor® (velafaxine) ou le Prozac® (fluoxétine) mettent en garde les consommateurs contre la prise simultanée de tryptophane.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :