Enfin, le dernier risque pouvant résulter d’une consommation importante de tryptophane, mais pour lequel les données sont à ce jour trop imprécises pour permettre une évaluation, est celui de cataracte (Elderfield and Truscott, 1994, Truscott and Wood, 1994, Truscott and Elderfield, 1995, Elderfield and Truscott, 1996, Malina and Martin, 1996b, Malina and Martin, 1996a, Roberts et al., 2000, Roberts et al., 2001, Thiagarajan et al., 2002, Hains et al., 2003, Takikawa, 2005, Zarnowski et al., 2007, Mizdrak et al., 2008). Les métabolites de la voie des cynurénines, et en particulier l’acide xanthurénique et l’hydroxycynurénine, peuvent réagir avec les protéines du cristallin et favoriser leur photo-oxydation, conduisant ainsi à l’opacification progressive et à l’apparition de cataracte. Ces données sont appuyées par les études chez l’animal où il a été montré que l’excrétion urinaire d’acide xanthurénique croît de manière linéaire avec le niveau d’apport en tryptophane (Okuno et al., 2008). On ne peut donc pas exclure, même si cela n’est pas démontré, que la concentration en acide xanthurénique du cristallin puisse augmenter avec le niveau d’apport en tryptophane, conduisant à une augmentation du risque de cataracte. Il s’agit là d’un risque à long terme, particulièrement difficile à évaluer et qui appelle des études supplémentaires.
Conclusion
L’Afssa considère que des effets indésirables (somnolence, nausées, céphalées) ont été rapportés avec une consommation de tryptophane comprise entre 3 g et 6 g.j-1, au moins à court terme et sans que l’on puisse en préciser la fréquence. Elle estime donc que la LOAEL du tryptophane est de 3 g.j-1.
Par ailleurs, des données parcellaires pourraient faire craindre un lien entre une consommation élevée de tryptophane et la cataracte, même si ce lien n’est pas établi à ce jour.
L’Afssa souligne en outre des risques d’interactions rapportés avec les classes de médicaments suivants: IMAO, inhibiteurs de la recapture de sérotonine, benzodiazépines, phénothiazines. Les indications de ces médicaments sont les mêmes que celles que certains proposent pour le tryptophane, ce qui accroît le risque de consommation simultanée.
Elle rappelle également que la consommation de compléments alimentaires peut se faire en dehors de tout contrôle, et/ou de suivi médical, ce qui accroît très significativement le risque de surdosage.
Ainsi, compte tenu des effets indésirables rapportés, de la nature et du faible effectif des études de supplémentation portant une incertitude sur la fréquence et la nature de l’ensemble des effets secondaires et du risque d’interaction médicamenteuse, le maintien du coefficient d’incertitude de 10 entre la LOAEL et la limite d’incorporation semble justifié.
L’Afssa recommande donc de maintenir la limite de 220mg.j-1 pour le tryptophane dans les compléments alimentaires. Cette limite est celle proposée par le COT en 2004 et réaffirmée en 2005.
Ce seuil de 220 mg.j-1 correspond environ au besoin nutritionnel moyen d’un consommateur (4 mg de tryptophane.kg-1.j-1). Ce seuil permet de limiter la possibilité d’atteindre par la consommation de plusieurs doses un niveau d’apport à risque, compte tenu des effets secondaires réputés, bien documentés pour des apports supérieurs ou égaux à 3 g.j-1, du risque d’interaction médicamenteuse, et d’un facteur d’incertitude pour tenir compte de la variabilité génétique et environnementale de l’ensemble de la population.
Enfin, l’Afssa rappelle que compte tenu du risque lié aux contaminants, il est nécessaire que le tryptophane soit de qualité conforme à la pharmacopée européenne (Afssa, avis 2007-SA-0231).
C'est le chercheur américain Richard Wurtman qui découvrit la forme L-tryptophane dans des travaux qui le conduisirent ensuite à des développements dans le domaine des fenfluramines (cf. « l’affaire de l’Isoméride »)..
Cas d’empoisonnement
En 1989, la compagnie japonaise Showa Denko commercialisait aux États-Unis du tryptophane comme supplément alimentaire produit par manipulation génétique d'une bactérie. On assista alors à une épidémie d’une nouvelle et mystérieuse maladie, le syndrome éosinophilie-myalgie qui causait des douleurs musculaires. Par la suite, on relia cette maladie à la consommation du tryptophane transgénique, imputable à une mauvaise filtration qui laissait passer un contaminant. Ce tryptophane tua 37 personnes et en rendit 1500 autres infirmes. Il s’agit d'une véritable catastrophe industrielle liée à un produit obtenu par manipulation génétique commercialisé. L’utilisation de bactéries génétiquement modifiées pour produire de grandes quantités de tryptophane a mené à une production également importante d'impuretés.
Sources alimentaires de tryptophane
- végétale
- Le riz complet
- Les épinards
- Les algues
- Le chocolat (noir si possible)
- Les bananes
- Les graines, comme les graines de courge ou encore les graines de citrouille
- La levure de bière
- Les brocolis
- Le chou frisé
- Les fruits secs, comme les amandes, les noisettes sauvages et les noix de cajou
- La noix de coco
- Les graines de moutarde
- Les graines de seigle germées
- Les arachides, comme les cacahuètes
- Les légumineuses, comme les pois cassés, les haricots secs ou encore les lentilles
- Les protéines de soja
- animale
- Les œufs
- Les viandes blanches et abats, comme la dinde ou encore le poulet
- Les poissons, les mollusques et les crustacés, comme la morue, l’éperlan, la langouste, la seiche ou encore le thon
- Les produits laitiers, comme le lait, le parmesan, le gouda, les yaourts ou encore le gruyère