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Plasticité neuronale : nous sommes tous des génies[1]

 

Plasticité neuronale, neuroplasticité ou encore plasticité cérébrale sont des termes génériques qui décrivent les mécanismes par lesquels le cerveau est capable de se modifier lors des processus de neurogenèse dès la phase embryonnaire ou lors d'apprentissages. Elle s’exprime par la capacité du cerveau de créer, défaire ou réorganiser les réseaux de neurones et les connexions de ces neurones. Le cerveau est ainsi qualifié de « plastique » ou de « malléable ». Ce phénomène intervient durant le développement embryonnaire, l'enfance, la vie adulte et les conditions pathologiques (lésions et maladies). Il est responsable de la diversité de l'organisation fine du cerveau parmi les individus (l'organisation générale étant, elle, régie par le bagage génétique de l'espèce) et des mécanismes de l'apprentissage et de la mémorisation chez l'enfant et l'adulte. Ainsi, la plasticité neuronale est présente tout au long de la vie, avec un pic d’efficacité pendant le développement à la suite de l'apprentissage, puis toujours possible mais moins fortement chez l’adulte.

La plasticité neuronale est donc, avec la neurogenèse adulte, une des découvertes récentes les plus importantes en neurosciences, et montre que le cerveau est un système dynamique, en perpétuelle reconfiguration.

Elle est opérante avec l’expérience, dans l’apprentissage par exemple qui va faire des renforcements de réseaux et de connexions, mais aussi lors de lésions sur le corps ou directement dans le cerveau.

Effets schématiques de la neuroplasticité après entraînement

Durant le XXe siècle, le consensus était que certaines zones du cerveau, comme le néocortex, étaient immuables après l'enfance et plus particulièrement après une période critique de maturation du réseau. Seules certaines zones, comme l'hippocampe, siège de la mémoire, étaient réputées susceptibles de plasticité.

La plasticité, une propriété complexe

Le terme de plasticité est très largement utilisé en neurobiologie dès les années 1970 et reste depuis un terme très en vogue.

Ce concept fait référence à la plasticité d'un matériau qui est sa propriété à modifier sa forme sous l'effet d'une action et à la conserver à l'arrêt de cette action. À l'inverse, l'élasticité désigne la propriété d'un matériau qui se déforme puis reprend sa forme initiale lorsque l'action cesse. En neurobiologie, la plasticité désigne la modification d'une propriété, ou d'un état, face à une modification de l'environnement (stimulus externe). Le terme a cependant été utilisé de manière abusive sans réellement établir de correspondance avec la propriété de plasticité (telle qu'elle est définie en science de la matière) et son concept n'est pour l'instant pas clairement défini.

Le cerveau est constitué de neurones et de cellules gliales étroitement interconnectées. L'apprentissage modifie la force des connexions entre les neurones (voir plasticité synaptique) et modifie les réseaux neuronaux en favorisant l'apparition, la destruction ou la réorganisation non seulement des synapses mais également des neurones eux-mêmes. C'est l'ensemble de ces phénomènes qui peuvent être regroupés sous le terme de plasticité neuronale.

La plasticité est une propriété présente à tous les niveaux d'organisation du cerveau :

  • Au niveau des molécules, les récepteurs possèdent plusieurs « états » ou configurations qui permettent de modifier la transmission de l'influx nerveux ;
  • Au niveau de la synapse, l'ensemble des molécules est régi par l'activité, avec notamment le recrutement de nouveaux récepteurs vers la membrane (exocytose, traduction locale, etc.) (plasticité synaptique) ;
  • Au niveau du corps cellulaire, l'expression génétique est également modulée par l'activité des différentes synapses ;
  • Au niveau des axones et des dendrites, les prolongements se réorganisent en fonction de l'activité des synapses et des neurones en contact, ainsi que des interactions avec la glie environnante ;
  • Le neurone est susceptible de se développer ou de régresser en fonction de son implication dans un réseau (plasticité neuronale) ;
  • Le réseau lui-même change ses connexions internes et externes constamment au cours du temps (plasticité cérébrale) ;
  • Le cerveau est enfin capable de produire de nouveaux neurones (voir neurogenèse) ;
  • L'individu ne cesse de changer son comportement en fonction des situations rencontrées, par exemple dans l'approche d'un problème. Il est également susceptible de subir des lésions ou de modifier certaines de ses capacités par l'activité, la prise d'aliments, de médicaments, de drogues, etc.

L'ensemble de ces échelles interagissent entre elles et doivent être étudiées à la fois séparément et dans leur ensemble pour comprendre la propriété fondamentale qu'est la plasticité en neurosciences.

Une décennie de recherche a montré que des changements sont susceptibles de continuer après la période de l’enfance, et que ces changements des patrons d'activation neuronaux dépendent de l'expérience. Cette théorie de la neuroplasticité suggère donc que l'expérience peut changer à la fois la structure anatomique du cerveau mais aussi son organisation physiologique. Les chercheurs s'accordent, désormais, sur la présence tout d'abord d'une période critique ou d'une fenêtre de plasticité des différents réseaux neuronaux durant l'enfance (par exemple l'aire visuelle), durant laquelle les changements majeurs interviennent en fonction de l'expérience, mais également que cette fenêtre ne se refermerait pas complètement et que certains changements mineurs ou même majeurs peuvent encore avoir lieu tout au long de la vie.

Dans le cas d’une activité normale, sans lésions, la plasticité neuronale s’exprime surtout par le renforcement ou la dépression de la quantité de connexions entre les neurones ou dans un réseau neuronal. Par exemple, lors de l’apprentissage de la lecture, le début est laborieux et difficile, puis avec la pratique et l’expérience, cela devient de plus en plus facile et rapide. C’est l’expression de la croissance du nombre de connexions dans l’aire responsable de la lecture. À l’inverse, lorsque l’on utilise moins un réseau de neurones, ses connexions diminuent et cela s’extériorise par la difficulté de refaire l’action en rapport avec ce réseau. Par contre, comme le réseau est déjà en place, si on le réutilise, les connexions seront plus rapides à se remettre en action et tout l’apprentissage ne sera pas à refaire.

En effet, la mémoire fonctionnant sur une base de facilitation, elle est répartie dans tout le cerveau en se servant des différentes aires perceptives pour fixer le souvenir et les représentations qui s’y attachent. Ainsi, l’activation d’un réseau neuronal permettrait de retrouver le vécu et les représentations spécifiques à cette expérience lors de la réactivation de ce réseau. On a donc une préservation du réseau à la suite de son utilisation, mais aussi un renforcement de ce réseau en fonction de sa fréquentation. C’est le phénomène même de la plasticité neuronale, qui serait donc à l’origine de ce mécanisme de facilitation de la mémoire par le développement de réseaux neuronaux, et la mise en lien de ces réseaux.

Dans le cas d’une activité anormale mais non lésée, comme chez des personnes aveugles de naissance, ceci implique que l’aire visuelle de ces personnes n’est pas stimulée ni développée puisqu’il n’y a pas eu d’apport visuel. Pourtant, des IRM ont permis de constater que l’aire visuelle était sollicitée dans l’apprentissage et l’utilisation du braille (langage écrit pour personnes aveugles). Ici, la plasticité agit en réorientant les neurones inactifs vers une fonction différente de leur fonction première.

Le nouvel apprentissage doit être un comportement pertinent et nécessaire[2]

La multiplicité des circonstances durant lesquelles nous pouvons apprendre de nouvelles choses, nous amène à nous demander si le cerveau va changer chaque fois que nous apprenons quelque chose de nouveau. Les chercheurs semblent penser que ce n'est pas le cas. Il semble que le cerveau actualise son potentiel de plasticité chaque fois qu'il acquiert une nouvelle connaissance, et ceci si celle-ci comprend une amélioration du comportement. Afin d'apprendre à marquer physiologiquement le cerveau, le nouvel apprentissage doit comprendre des changements au niveau du comportement. En d'autres termes, le nouvel apprentissage doit être un comportement pertinent et nécessaire. Par exemple, le nouvel apprentissage qui assure la survie sera intégré par l'organisme et associé comme une conduite appropriée, comme résultat le cerveau se modifiera. Le plus important est sûrement combien une expérience est gratifiante.

[Lorsqu’un patient a un comportement inadapté dans une situation donnée, un psychologue, par exemple, peut susciter un changement de comportement en invitant le patient à réfléchir sur les raisons de ce comportement et de l'inadaptation de ce dernier à la situation, en l’aidant à trouver le comportement adéquat et en l’invitant à formuler positivement le comportement adéquat à adopter sous la forme : « La prochaine fois, dans une situation analogue, j'en tire la leçon, j'agirai de la manière suivante : … »[3].]

Comprendre les conditions qui favorisent la plasticité

Quand le cerveau est-il le plus ouvert au changement, lorsqu'il est exposé aux stimulations environnementales ? Il semble que les patrons de la plasticité soient différents selon l'âge. Il est vrai qu'il reste encore beaucoup à découvrir quant à l'interaction entre le type d'activité inductive de la plasticité et l'âge du patient. Néanmoins, nous savons que l'activité intellectuelle et mentale stimule la plasticité cérébrale lorsqu'il s'agit de personnes âgées en bonne santé et souffrant de maladies neurodégénératives. Encore plus important, il semblerait que le cerveau est susceptible de changer positivement au moment de la naissance de l'enfant. Des études sur des animaux ont démontré que lorsque les femelles pleines sont dans un environnement riche en stimulations positives, leur descendance a un plus grand nombre de synapses dans des zones spécifiques du cerveau. Par ailleurs, il semblerait que le cortex préfrontal soit plus sensible aux influences environnementales que le reste du cerveau. Ces découvertes sont essentielles pour alimenter le débat « nature » contre « environnement », puisqu'il semblerait que l'environnement peut engendrer des changements au niveau de l'expression génétique des neurones. Comment évolue la plasticité du cerveau et quel est l'effet de la stimulation environnementale si elle est appliquée sur le long terme ? C'est une question primordiale pour les problèmes thérapeutiques et les réponses qu'offre la recherche génétique chez les animaux. L'entraînement cognitif paraît idéal pour l'induction de la plasticité cérébrale. Il offre la pratique systématique nécessaire pour établir de nouveaux circuits de neurones et pour renforcer les connexions synaptiques entre les neurones. Cependant, comme nous avons pu l'observer, en l'absence d'un bénéfice tangible de la conduite, le cerveau n'apprend pas de manière efficace. D'où l'importance de personnaliser les objectifs pour la formation.

« Plasticité » cérébrale et réparation du cerveau[4]

Notre cerveau est extraordinairement dynamique. Cet organe de 1,5 kg, qui consomme 20% de l’énergie du corps, se modifie, se renouvelle, et même se répare. On sait depuis les années 2000 que, chez l’adulte, deux zones du cerveau (l’hippocampe et la zone sous-ventriculaire du bulbe olfactif) sont sources de nouvelles cellules nerveuses. Comment les nouveaux neurones se développent-ils ? Comment intègrent-ils des réseaux préexistants ? Depuis 2010, une technique originale permet de stimuler sélectivement des nouveaux neurones rendus sensibles aux photons, et ainsi activables par des flashs lumineux. « Grâce à l’optogénétique, nous pouvons comprendre le rôle d’un neurone particulier, avec quel autre neurone il communique, à quoi il sert…, explique Gabriel Lepousez, de l’Unité Perception et mémoire de l’Institut Pasteur. 

On peut voir ainsi : « En marron clair, au centre de l'image, un néo-neurone activé par la lumière. Les neurones en bleu sont les neurones partenaires qui se connectent aux néo-neurones. Les neurones en marron foncés sont les neurones pré-existants. »

Nous avons ainsi montré que pour qu’un nouveau neurone s’intègre correctement dans un circuit, il lui faut établir de nombreuses connexions avec d’autres neurones, sinon il s’autodétruit. Son intégration est aussi influencée localement par l’inflammation ou le système immunitaire, et par des paramètres extérieurs au cerveau comme notre microbiote. » Qu’en est-il des espoirs de thérapie cellulaire visant à réparer des zones du cerveau lésées (par des maladies neurodégénératives ou un accident vasculaire cérébral (AVC) avec un apport de nouveaux neurones? «L’étude de la plasticité cérébrale est la clé de ces futures thérapies, souligne le chercheur. Mais il ne faut pas griller les étapes. En étudiant ce cerveau qui fonctionne à l’échelle de la milliseconde, nous découvrons que nous avions sous-estimé sa complexité. En revanche, nous n’avons jamais eu d’outils aussi puissants qu’aujourd’hui, et des physiciens et des mathématiciens nous aident à modéliser nos données pour mieux les analyser. Mais réparer des circuits endommagés du cerveau relève d’une médecine de très haute précision, et toutes les précautions doivent être prises pour soigner un organe si complexe, siège de notre conscience et de notre personnalité. »

 


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