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L’ARNt, aux sources du code génétique[1]

Les acides ribonucléiques de transfert, ou ARN de transfert ou ARNt sont des acteurs clés dans la traduction du message génétique et dans la lecture du code génétique. Leur fonction dans la cellule est d'assurer la correspondance entre l'information génétique portée par l'ARN messager (ARNm) et les acides aminés contenus dans la protéine codée par cet ARN messager.

Les ARNt sont des acides ribonucléiques simple brin (c’est-à-dire une seule chaîne polynucléotidique), longs d'environ 70 à 80 nucléotides, que l'on trouve dans le cytoplasme ou dans les organites des cellules vivantes. Ce sont des ARN non codants, transcrits à partir de gènes codés dans le génome. Ils se replient pour adopter une structure complexe qui, en deux dimensions, s'organise en "feuille de trèfle".

Les ARNt portent l'un des 20 acides aminés attaché par une liaison ester à leur extrémité 3'-OH (β sur la figure 1) et transportent celui-ci au ribosome. Lorsqu'ils sont ainsi porteurs d'un acide aminé, on dit que ce sont des aminoacyl-ARNt. Il y a 20 acides aminés canoniques dans le code génétique, et il existe 20 familles d'ARNt ayant la capacité d'accepter un même acide aminé, appelées ARNt isoaccepteurs.

Les ARNt sont ainsi constitués de cinq régions:

  • la tige acceptrice (bêta), située à une extrémité de la molécule, sur laquelle l'acide aminé correspondant à l'ARNt est estérifié,
  • la tige-boucle de l'anticodon (A), située à l’autre extrémité de la molécule, qui reconnaît et s'associe aux codons de l'ARN messager,
  • le bras du D
  • le bras du T
  • la région variable (gamma), qui peut avoir des tailles variables selon les types d'ARNt.

La tige supérieure, qui porte les extrémités 5' et 3' s'appelle le bras accepteur, car c'est lui qui porte (accepte) l'acide aminé.

Figure 1 : Schéma de l'ARNt : α, anticodon (3 nucléotides) ; β, site de fixation de l'acide aminé ; γ, boucle variable ; δ, branche D ; τ, branche T ; A, boucle de l'anticodon ; D, boucle D ; T, boucle T

Dans la boucle située à l'autre extrémité de la molécule se trouve une séquence de trois nucléotides, spécifique de l'acide aminé, appelée l'anticodon. L'anticodon s'apparie au codon sur l'ARN messager assurant ainsi la correspondance entre codon et acide aminé, conformément au code génétique.

Codon, anticodon et décodage

Lors du processus de traduction, les trois bases de l'anticodon de l'ARNt s'apparient au codon de l'ARNm. L'interaction entre le premier nucléotide de l'anticodon et le troisième nucléotide du codon est souvent un appariement non-canonique, appelé paire wobble ou "bancale", différente d'un appariement Watson-Crick classique (A-U ou G-C). Cet appariement implique parfois un nucléotide modifié de l'ARNt.

Ces appariements wobble permettent de réduire le nombre d'ARNt nécessaires à la traduction du code génétique, en autorisant la lecture de différents codons synonymes par un seul et même ARNt. Ainsi, l'ARNt spécifique de l'isoleucine chez la souris a un anticodon IAU, où I est une inosine qui peut s'apparier aux trois codons AUU, AUC et AUA, en formant des paires I-U, I-C et I-A.

Mécanisme d’action de la lysidine, un nucléoside dérivé de la cytidine comportant un résidu lysine [2]

La lysidine est un nucléoside rare qu'on trouve essentiellement dans les ARNt. C'est un dérivé de la cytidine dans lequel le carbonyle est remplacé par un résidu de lysine, un acide α-aminé.

Le troisième nucléoside de l'anticodon de l'ARNt d'isoleucine subit ainsi une modification post-transcriptionnelle convertissant la cytidine en lysidine, ce qui a pour effet de remplacer un nucléoside formant une paire avec la guanosine par un nucléoside formant une paire avec l'adénosine. Si de l'uridine se trouvait dans cette position, elle pourrait s'apparier avec la guanosine autant qu'avec l'adénosine par wobble pairing (appariement bancal) ; la présence de lysidine à cet endroit garantit donc une meilleure fidélité traductionnelle à cet ARNt.

Schéma : Paire de bases formée par la lysidine et l'adénosine (en bas) comparée à celle formée par la cytidine et la guanosine.

Une hypothèse expliquant le rôle de la lysidine face aux virus à ARN

À l’aide de quelques gènes, les virus à ARN peuvent altérer et modifier les programmes de fonctions intracellulaires à leur profit, avec pour objectif final de transformer l’organisme infecté en agent contaminant, capable de propager l’infection et d’assurer la survie du virus.[3] La lysidine est chargée de minimiser les « modifications-erreurs » lors de la traduction des messages génétiques de ces gènes, sources de la propagation de l’infection, par rapport aux programmes génétiques d’une cellule non encore infectée, et dans la lecture du code génétique.

Le contrôle de l’expression génétique[4]

Un grand nombre de processus existent pour contrôler le bon fonctionnement de toute la chaîne de l'expression des gènes, de la réplication, à la synthèse de protéines, en passant par la transcription.

La cellule est dotée de nombreux systèmes de contrôle, à la fois pour traquer la survenue de mutations qui modifieraient l'information stockée dans l'ADN et pour réguler l'expression des gènes [L’acide désoxyribonucléique (ADN) est le support de l’information génétique chez presque tous les organismes vivants. Chez les eucaryotes, la quasi-totalité de l’ADN se trouve dans le noyau. Une petite quantité (1% environ) est retrouvée dans les mitochondries[5]]. La cellule s'assure ainsi la production de protéines actives en quantités voulues et au moment opportun par un ajustement précis de l'activité des ribosomes et de la synthèse protéique dans son ensemble.

De dangereuses mutations

En amont, une batterie de protéines a pour rôle de détecter et de corriger toute modification de l'ADN qui pourrait être due, par exemple, à une exposition au rayonnement ultraviolet ou à certains composés chimiques. D'autres sont chargées de minimiser les erreurs lors de la duplication de l'ADN, de sa transcription en ARN et de la traduction en protéine.

Si certaines mutations de l'ADN ou erreurs de transcription/traduction sont sans conséquence, d'autres conduisent à la production de protéines inactives et peuvent générer un défaut partiel du fonctionnement de la cellule. Une simple mutation peut aller jusqu'à provoquer la perte de contrôle de l'expression d'un gène ou d'un groupe de gènes, et, dans une situation extrême, le déclenchement de la prolifération cellulaire et l'apparition d'un cancer. Les rôles de surveillance et de régulation de la lysidine sont donc primordiaux pour assurer le cours normal de la vie cellulaire.

 

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